Un institut en appui à l'innovation dans l'enseignement agricole


Recension d'ouvrage

Association Mémorap. (2020). Un institut en appui à l'innovation dans l'enseignement agricole : INRAP (1968-1993). Educagri.

 


Jean-Marie DE KETELE

Université catholique de Louvain-la-Neuve

Date de la recension: 15.02.2022


L’institut National de Recherche et d’Applications pédagogiques (INRAP) de Dijon, institution sous tutelle du Ministère de l’Agriculture, est bien connue des membres fondateurs de l’ADMEE. Ils se souviennent que c’est à Dijon en 1986 que Marie-Claire Dauvisis recevait au sein de l’INRAP un ensemble de chercheurs belges, suisses, canadiens et français pour un colloque sur le thème « Évaluer l’évaluation ». Ce colloque officialisera la création de l’Admee-Europe.

Entre 1969 (sa création) et 1993 (sa disparition suite à un regroupement d’institutions), l’INRAP de Dijon a été au cœur de l’innovation pédagogique de l’enseignement agricole en France et ses travaux sur l’évaluation ont beaucoup inspiré tant les chercheurs de l’ADMEE que les décideurs et les praticiens, non seulement en France mais aussi à l’étranger. Vingt-sept témoins (des responsables, des enseignants-chercheurs, des animateurs) nous font le récit de cette belle épopée qui a laissé des traces profondes et toujours actuelles. Comme le dit la préface, signée de François Cros, « Non, l’INRAP n’est pas mort », car ce sont « des innovations qui perdurent ».

L’ouvrage est organisé en trois grandes parties : « Histoire, missions et ressources », « 25 ans de formation, d’expérimentation et de production documentaire : chantiers emblématiques et témoignages », « Dynamique au service de l’innovation pédagogique ».

Coordonné par Michel Huber et Edgar Leblanc, la première partie fait le récit de la genèse de l’INRAP et des tensions inévitables entre recherche scientifique, pratiques des acteurs et politiques d’éducation. Michel Boulet (directeur en 1985 et 1993) conclut cette première partie de l’ouvrage en soulignant que ces tensions, la diversité des expériences personnelles (tout le monde se connaît, car l’institution est de taille réduite en regard du Ministère de l’Éducation), la confrontation des conceptions ont été un facteur de créativité et ont nourri le mouvement de transformation de l’enseignement agricole.

Coordonnée par Marie-Claire Dauvisis et Louis Montméas, la deuxième partie épingle, à partir de témoignages et sur la base de documents, des chantiers emblématiques qui ont laissé des traces. Parmi ceux-ci, nous relevons principalement : « l’étude du milieu » qui a mis en évidence l’importance accordée à la pluridisciplinarité et à la recherche-action, l’analyse systémique et située des métiers de l’enseignement agricole pour ancrer l’enseignement et la formation dans les réalités professionnelles, l’accompagnement de la rénovation nécessitant une nouvelle culture de l’évaluation et une dynamique du projet, une politique et des actions de formation continue orientée vers le développement de la professionnalité des acteurs et l’utilisation de la recherche-expérimentation sans oublier des activités de coopération internationale (la compréhension naît de la comparaison). Si de tels champs ont pu se développer avec succès, on le doit sans doute en grande partie à un mode de fonctionnement collaboratif ou coopératif, dans lequel les rapports transversaux l’emportent sur les relations hiérarchiques. Cela mérite d’être souligné.

Coordonnée par Marie-Odile Nouvelot et François Savy, la troisième partie va approfondir notre commentaire précédent en menant une analyse de l’organisation et du fonctionnement de l’INRAP, en privilégiant la problématique de l’identité professionnelle. Quatre caractéristiques constitutives ont été dégagées : un projet éducatif inspiré des mouvements d’Éducation nouvelle, un positionnement institutionnel hybride avec une bonne marge d’autonomie et une légitimité accordée par son leadership en matière de formation des formateurs et des recherches-expérimentations pédagogiques, un mode de gouvernance partagée orientée vers la capacité à agir et fonctionnant en réseau, une culture fondée sur le rapport négocié et affinitaire de ses membres. Ces caractéristiques expliquent sans doute que « l’INRAP a formé nombre de démultiplicateurs qui se sont eux-mêmes professionnalisés et assurent le relais auprès des établissements… L’innovation devient un acte banal de l’activité professionnelle de tout enseignant lui permettant de s’adapter à "un contexte évolutif et incertain" » (p. 278). N’est-ce pas d’actualité ?


Pour citer cette recension

De Ketele, J.-M. (2022). [Recension] Association Mémorap. (2020). Un institut en appui à l'innovation dans l'enseignement agricole : INRAP (1968-1993). Educagri. https://revue.leee.online/index.php/info/recensions/deketele2022